Le charme des mots redoublés : quand le japonais joue de l'écho

Le charme des mots redoublés : quand le japonais joue de l'écho

En japonais, certains mots semblent jouer à la marelle sonore : pika pika, kira kira, doki doki, waku waku… Ces expressions redoublées, appelées giongo et gitaigo, sont bien plus que de simples onomatopées : elles traduisent des sensations, des états d’âme, des atmosphères – parfois même des idées presque intraduisibles.


Qu’est-ce qu’un mot redoublé ?

On parle ici de réduplication, une figure linguistique où une syllabe ou un mot est répété à l’identique. En japonais, cela donne naissance à des mots sonores et imagés, très utilisés à l’oral comme à l’écrit. Ils peuvent désigner un bruit, un éclat, une humeur ou un mouvement.

Deux grandes familles coexistent :

  • Giongo (擬音語) : les onomatopées à proprement parler, qui imitent des sons réels (le bruit, par exemple).

  • Gitaigo (擬態語) : des mots mimant des états non sonores, comme une émotion ou une ambiance.


Quelques exemples lumineux

  • Pika pika (ピカピカ) : le scintillement vif, le brillant éclatant. On pense à une étoile ou à une armure toute neuve. C’est aussi l’origine du nom Pikachu, dont la queue zigzague comme l’éclair.

  • Kira kira (キラキラ) : les reflets scintillants, souvent plus délicats, comme ceux d’une surface d’eau ou des lucioles dans la nuit.

  • Doki doki (ドキドキ) : le cœur qui bat fort – d’amour, de peur ou d’enthousiasme. Un mot qui traduit une émotion physique.

  • Waku waku (ワクワク) : une excitation joyeuse, l’impatience heureuse avant une fête, un voyage ou une surprise.

  • Goro goro (ゴロゴロ) : rouler ou traîner. Cela peut être le bruit du tonnerre ou le fait de paresser sur un tatami en été.

  • Shin shin (しんしん) : la neige qui tombe silencieusement, sans vent. Un mot presque méditatif.


Un langage des sensations

Ces expressions ne se traduisent pas facilement : elles sont sonores, visuelles, sensorielles. Elles condensent en quelques syllabes une scène entière, une humeur ou une atmosphère. Elles rappellent que le japonais est une langue qui accorde une grande place à l’implicite, à l’évocation, à l’écho du monde naturel.

Dans l’art, la littérature ou même les mangas, ces mots redoublés participent d’une esthétique proprement japonaise : un langage qui ne dit pas tout, mais qui fait ressentir.


Et dans les estampes ?

Dans le monde de l’estampe japonaise, on pourrait presque entendre ces mots dans certaines images : une estampe montrant un ciel étoilé devient kira kira, un paysage hivernal couvert de neige silencieuse évoque shin shin, une scène de matsuri bondée peut être waku waku

Ces mots pourraient devenir des titres poétiques, ou des fils conducteurs d’une lecture sensible de l’image.


Une langue à écouter autant qu’à lire

Que l’on apprenne le japonais ou que l’on s’y intéresse pour la beauté de sa culture, ces mots redoublés sont une porte d’entrée fascinante. Ils traduisent une relation au monde intuitive et poétique, où les choses ne sont pas seulement nommées, mais ressenties.

Alors la prochaine fois que vous entendez pika pika, zawa zawa ou fuwa fuwa, tendez l’oreille : le japonais ne parle pas seulement avec des mots, mais avec des images sonores.

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