Description
Description de l'œuvre
Ce diptyque représente une scène de théâtre Nô, art dramatique traditionnel japonais. À gauche, un personnage surnaturel — un esprit du renard — surgit avec une grande énergie. Il porte un masque au visage noir, une perruque blanche spectaculaire et un somptueux costume orné de motifs symboliques. Il brandit un maillet rituel, semblant presque en lévitation. À droite, un homme assis en costume de cour, vêtu d’un kimono noir décoré de motifs de grues et de cercles solaires, tient un sabre rituel. Il est positionné sur une estrade cérémonielle rouge bordée de tissus, entourée de bandes de papier shide indiquant un espace sacré.
Focus artistique
L’artiste, Tsukioka Kōgyo (1869–1927), connu pour ses représentations raffinées du théâtre Nô, maîtrise ici l’équilibre entre mouvement et immobilité. Le contraste est frappant entre le dynamisme du personnage surnaturel bondissant et la solennité calme de l’homme à l’épée. Le traitement des textures et motifs textiles est particulièrement détaillé : les brocards sont rendus avec minutie, la chevelure est presque animée, et le fond dégradé typique des estampes de Kōgyo met en valeur les figures centrales. L’espace vide souligne la théâtralité de la scène. Les costumes sont rendus avec une précision remarquable : nuages stylisés, motifs traditionnels, brocarts géométriques et grues brodées traduisent l’excellence artisanale de l’impression sur bois.
Signification culturelle
La scène illustrée provient d’une pièce de Nô centrée sur la légende du sabre sacré et d’un esprit renard protecteur (kitsune). Les kitsune, esprits-renards associés à la divinité Inari, peuvent être protecteurs, farceurs ou vengeurs. Dans ce contexte, l’apparition de l’esprit renard est liée à un rite impliquant une épée sacrée — objet de pouvoir et de purification. Le décor symbolique (estrade, papiers shide, position du sabre) évoque un espace rituel shintô. Cette confrontation stylisée s’inscrit dans une esthétique de la suggestion chère au Nô, où tout est allusion, lenteur et intensité. C'est la rencontre entre le visible et l'invisible, le sacré et le profane.
Édition
Il s’agit très probablement d’une impression issue de la série Nōgaku hyakuban (« Cent pièces de théâtre Nô »), réalisée par Tsukioka Kōgyo entre 1897 et 1902. Cette série en cent estampes est l'une des plus célèbres de l'artiste. Elle fut éditée par Matsuki Heikichi, à Tokyo, et imprimée en polychromie avec finesse sur papier washi. Les estampes étaient publiées en diptyques ou en planches simples selon les scènes représentées.
Condition : très belle impression. Couleurs très bien préservées. 2 feuilles détachées. Voir photos